“L’évasion”
Mercredi 7 avril:
N’écoutant que la voix du devoir, je quitte avec courage la maison paternelle où j’ai connu tant de jours heureux au milieu de mes parents si bons et de mes frères bien aimés. Jamais je n’ai eu a l’idée qu’un jour viendrait, hélas trop tôt, où je devrais, de semblable façon, me séparer de vous.
Jeudi 8 avril:
Lever à 4 heures.
Une tasse de café noir.
À 4h30 en route. Je conduis l’attelage, à 10 m de là, passant les deux sentinelles placées au coin des anciennes fortifications. Je les salue (la rage au coeur). À peine entré en ville, nous débouchons sur un petit carrefour. J’aperçois devant moi la maison de St. J. Berckmans. J’en suis tout heureux et, tout en continuant, je ne cesse de l’invoquer afin qu’il me protège durant cette journée surtout. Nous prenons à gauche et sommes bien vite hors de la ville de Diest après avoir passé encore une fois les sentinelles aux forts. Route très étroite. Nous passons le pont du chemin de fer de Haelen et, aussitôt, nous débouchons sur une vaste plaine. Faisons halte dans le café. La glace est brisée, trois balles ont pénétrées par les fenêtres et on fait un trou de 8 cm de diamètre sur (…) de profondeur. En face, de l’autre côté de la route, il y a une grange entourée d’une petite barricade de bois peinte en blanc et, au milieu, une croix. Il y a là 21 Allemands.
Vendredi 9 avril:
Levé 5h30.
État délabré de la maison.
Cuisine: une commode, une table ronde, une table ovale, un lit, un poele.
Enfants espiègles (Deux garçons, deux filles, un bébé).
Tasse de café avec lait de chèvre, une bouchée de tartine.
Un ménage bien pauvre. Alphonse rentre et ressort, peu après, il revient avec l’homme en question. On se donne rendez-vous aux environs des bois. Vite, je me déshabille, j’endosse un mauvais pantalon d’Alphonse et une veste bleue et une fourche sur l’épaule. Je donne mon gâteau de Savoie et chocolat plus 5 francs. Nous sortions le long d’une rivière. À ce moment éclate une terrible bourrasque de neige comme je n’en avais pas encore vue. De toute part, on ne voit que gens qui s’affollent; nous, nous continuons car il faut sortir dehors de Maeseyek. La garde et les sentinelles sont rentrées dans leurs guérites et nous regardent passer en souriant. Nous courrons plutôt que nous marchons vers le café du coin, qui était rempli d’Alboches. Vite, on avale une Hasselt et route malgré la bourrasque en pleine campagne. Aussitôt cependant le ciel s’éclaircit et voilà le soleil qui brille à nouveau; cela fait du bien car j’avais bien froid aux mains. A ma gauche, à chaque instant, partent des coups de fusil. Ce sont des Hulhans qui s’exercent. Nous contournons un cimetière et, après 1000 détours par des chemins détrempés, nous arrivons à une maison isolée tout près des broussailles et des sapinières. C’est un Herberg, nous y prenons un verre de bière et je change de bottines. Un peu plus loin, nous arrivons dans une ferme où Alphonse doit demander le chemin. Il a fallu dire un motif pour que le paysan puisse nous expliquer le chemin pour aller au rendez-vous. Il va nous accompagner un peu. À ce moment, nous entrons dans les broussailles toujours à travers un terrain vaseux.


