10 mars 1917:
Mes bien chers Amis, quel bonheur mâa causĂ© votre bonne lettre du 10/12/17 que je viens de recevoir aujourdâhui mĂȘme ! Je nâexagĂšre pas en vous disant que je lâai dĂ©jĂ lue pour le moins cinquante fois. Chaque mot mâa valu un litre de bon sang. Comme je suis heureux de vous savoir (Ă cette date lĂ Â !) tous en bonne santĂ©. Oui câest la plus grande grĂące que Dieu puisse me donner, celle de vous conserver tous Ă mon amour. Puisse-t-il vous protĂ©ger indemne durant toute lâhorrible pĂ©riode que nous traversons. Merci du plus profond de mon cĆur pour vos vĆux si ardents que vous mâadressez Ă lâoccasion du nouvel an. A chaque occasion je prie la divine Providence pour quâelle vous protĂšge et vous aide Ă supporter les lourds sacrifices du moment. Quant Ă moi, mes biens chers Amis, je supporte vaillamment les souffrances et les privations multiples rien quâĂ la pensĂ©e que le fruit de toutes ces peines sera lâultime bonheur de vous revoir et de vous embrasser. Depuis deux ans, je nâai pas connu un seul instant de dĂ©couragement ! Ce don, je lâattribue Ă vos bonnes priĂšres que vous adressez au ciel pour moi ! Comme je vous lâai dis dans mes prĂ©cĂ©dentes lettres, jâai la ferme conviction que cette annĂ©e ne se passera pas sans que nous nâayons la joie de nous revoir ! Vous me demandez si je nâai pas eu trop Ă souffrir du froid. A ce sujet je nâai pas trop Ă me plaindre malgrĂ© lâhiver rigoureux que nous avons eu mais nĂ©anmoins nous sommes heureux que la saison touche Ă sa fin ! Notre vie depuis de long mois dĂ©jĂ nous a rudement endurci le corps !!!
Enfin je mâaperçois que malgrĂ© mes supplications, certain ont trouvĂ© un immense besoin de vous annoncer avec empressement que jâavais Ă©tĂ© malade. Pour les quelques jours que jâai passĂ© Ă lâhopital vraiment cela nâen valait pas la peine ! Eh bien je vais vous dire carrĂ©ment ce que jâai eu, une anthrasce [ndlr. l’anthrax, infection staphylococcique], une sĂ©rie de 14 clous dans les reins ! Et jâen ai Ă©tĂ© quitte en six semaines de temps et cela se passait en Juin 1916. Avouez que ce nâĂ©tait pas la peine dâaugmenter vos inquiĂ©tudes en vous parlant de ce petit bobĂŽÂ ! Vous voilĂ donc tranquille hein et lâincident clos ! Le 4 janvier jâai reçu vos lettres du 9 et 27 Novembre et au dĂ©but de FĂ©vrier jâai la joie de recevoir votre photo, que jâai trouvĂ© cependant assez mal rĂ©ussie. Jâai appris avec grande satisfaction lâaffaire Henri, malheureusement je suis portĂ© Ă croire quâils sont toujours lĂ -bas puisque je nâai pas jusquâĂ prĂ©sent dâautres nouvelles Ă ce sujet. Câeut Ă©tĂ© cependant pour moi un grand bonheur ! Les amis AndrĂ©, Luc, Henri, Fred, Albert se portent Ă merveille. Je termine cette trop courte lettre en vous embrassant indistinctement bien fort.
Jeanne [Jean Vanden Dael signe ici sous le pseudonyme de Jeanne (Delavallée)]