Chers Amis,
À la veille d’une séparation qui nous est pénible, ma femme et moi avons voulu vous réunir une dernière fois pour vous redire toute notre reconnaissance et toute la joie que nous avons éprouvées à vous accueillir en libérateurs et en amis.
À vous connaître individuellement, nous avons mieux compris encore le peuple anglais et mieux apprécié les qualités de droiture et de fair-play. Soyez certains que personne ici n’oubliera que, si nous avons retrouvé, avec la liberté, le droit et la joie de vivre, c’est grâce à vous, à votre dévouement et aux sacrifices du peuple britannique tout entier !
Ce fut pour nous une joie et un bonheur de vous recevoir comme nos grands enfants dans notre home; ce que nous avons fait, nous l’avons fait de bon coeur et n’avons qu’un seul regret, celui de n’avoir pu faire davantage. Aussi, votre départ fera un grand vide dans notre home car c’est comme un peu de nous qui s’en va. Hélas, tout passe en ce monde.
Bientôt, bientôt, votre devoir vous appellera à fouler le sol de cette orgueilleuse Allemagne que vous avez vaincue, mais qui nourrit toujours la haine. Là-bas, songez quelquefois aux torrents de sang et de larmes que ce peuple barbare a fait couler, les atrocités incroyables qu’il a commises avec un raffinement de sadique, vos foyers qu’il a détruits, vos milliers de morts innocents, femmes et enfants.
Songez à tout cela non par vengeance – ce sentiment est inconnu chez des peuples chrétiens et de haute civilisation comme le vôtre – mais pour dicter votre attitude de fermeté et de dureté – seul langage qu’un Allemand comprenne – et votre sentiment de la gentillesse qui n’est que faiblesse pour lui.
Sachez aussi que chaque Allemand et Allemande que vous rencontrerez a mêlé sa voix aux rugissements de “heil” approbateurs dont il soulignait les discours abjects d’Hitler.
Vous souhaitant que votre séjour là-bas soit de courte durée et que bientôt, vous puissiez retourner définitivement at home reprendre, en même temps que vos vêtements civils, vos occupations de paix.
Alors, faites-nous, de temps à autre, l’aumône d’une pensée; souvenez-vous de vos amis de Belgique qui, eux, ne vous oublieront jamais quoiqu’il arrive !
Good luck !!
Jean Vanden Dael,

