Vendredi 24 mars:
Aujourdâhui comme dâordinaire, je remplissais mes fonctions de dĂ©lĂ©guĂ© lorsque vers 4h30 de lâaprĂšs midi en revenant de « Kruisaleele », Koeken me crie quâil part aux piĂšces ! Lorsquâen rentrant dans la cour de la ferme le 1er chef me dit de prĂ©parer mon baluchon, je dois partir Ă©galement pour la batterie, quelle surprise ! Jâen ressenti en moi-mĂȘme un petit choc, dâailleurs vite disparu aprĂšs avoir rĂ©pondu: « Bon 1er chef ! ». Je cours avertir le tĂ©lĂ©phoniste et en cinq secondes, je rassemble mes « biens ». Je suis heureux dâaller Ă la batterie, lĂ au moins, je « verrai quelque chose ». Voici la fourragĂšre et en route pour la batterie !
Il fait nuit Ă lâhorizon, sâĂ©lĂšvent Ă chaque instant des fusĂ©es Ă©clairantes. BientĂŽt, nous dĂ©passons des positions de replis, nous voici arrivĂ©s Ă une ferme que plusieurs obus ont quelque peu dĂ©tĂ©riorĂ©e. Câest notre Ă©tat-major. Le cuisinier y dĂ©charge des vivres. Un peu plus loin, nouvel arrĂȘt, nous dĂ©chargeons des plants de houblon destinĂ©s Ă la 63e. Des colonnes de fantassins se rendant aux tranchĂ©es nous dĂ©passent. Enfin nous arrivons Ă Oostkerke dont il ne reste que des ruines. Nous prenons un chemin Ă droite, ici il faut se cramponner au chariot pour ne pas ĂȘtre lancĂ© par dessus bord: des obus ont abimĂ©s la route. Nous voici Ă la position que lâon distingue chaque fois quâune fusĂ©e est lancĂ©e des tranchĂ©es. Partout des trous dâobus. Nous arrivons enfin Ă une rangĂ©e dâabris, lâadjudant nous fait caser dans lâun de ceux-ci, nous prenons la place des quatre hommes qui sont aux piĂšces avancĂ©es. On y est trĂšs bien, lâabri est vaste, huit hommes y couchent. Au milieu, une table. Du cĂŽtĂ© postĂ©rieur de lâabri, il y a deux fenĂȘtres dont lâune donne en face de la table. Entre les deux, un poĂȘle en maçonnerie.
Samedi 25 mars:
« Hakewip ! » Quel souvenir lointain dĂ©jà ⊠« hein ChrĂ©tien ?! ». Quelle excellente nuit de passĂ©e ! Quelle bonne couchette ! Toute la nuit dâun seul somme. Aujourdâhui nous dĂ©blayons.
7 avril:
Anniversaire de mon dĂ©part de Bruxelles ! DĂ©jĂ une annĂ©e dâĂ©coulĂ©e !
Durant la matinĂ©e, continuation de la construction de lâabri. Ă midi et demi, comme nous terminons notre repas, une explosion se fait soudain entendre. Par la lucarne, on peut voir Ă dix mĂštres en arriĂšre de lâabri, un trou bĂ©ant et tout autour, des terres et Ă©clats qui retombent. Carion qui se trouvait dehors Ă cet instant, se laisse tomber Ă plat ventre lorsquâil avait entendu le sifflement du projectile. « Vlan ! ». VoilĂ la rĂ©ponse Ă notre canonnade dâhier ! Les 15 nous arrivent avec plus de rapiditĂ©. Ordre est donnĂ© dâaller dans lâabri de bombardement. Peu aprĂšs, les Boches se mettent Ă nous canarder avec trois piĂšces, ça tombe dru. Nous sommes vivement secouĂ©s ! Deux obus dans lâabri de la 2e piĂšce, tout est bouleversĂ© autour de la position. Comme victime: un pauvre petit moineau tuĂ© dâun petit Ă©clat Ă lâĆil gauche. Le bombardement terminĂ©, les chercheurs de fusĂ©es se mettent au travail. Bilan 107 obus. Vite on se met Ă lâoeuvre, tout est rĂ©parĂ© et nul ne pourrait deviner ce qui est arrivĂ©. Tout le temps de notre sĂ©jour dans lâabri de bombardement, nous avons chantĂ© et rigolĂ© comme des fous, on ne sâen fait pas !
