Bien cher Jean,
C’est avec une bien vive joie que nous venons de recevoir votre lettre n°1. Aussi je m’empresse d’y répondre car vous aussi, cher Jean, vous avez hâte d’avoir de nos nouvelles qui sont toujours les mêmes. Nos santés sont bonnes grâce à Dieu et le commerce va toujours son même petit train. Nous sommes heureux d’apprendre que vous êtes arrivé à destination et espérons que la traversée s’est faite dans de bonnes conditions. C’est regrettable que vous ne soyez pas à Saint-Lô, vous auriez pu ainsi, dans vos moments de loisirs, rendre visite à Mr le Curé Fossard qui aurait été pour vous un réconfort, mais que voulez-vous, nous sommes dans les moments de sacrifices et nous sommes obligés de les accepter les uns après les autres et, comme vous nous le disiez dans votre dernière lettre, plus grand sera le sacrifice, plus grand sera le mérite.
À propos de votre dernière lettre du 14 juin où vous nous apprenez votre prochain départ, je dois vous dire, cher Jean, qu’elle nous a profondément affligés, mais, après le premier moment d’émotion passé, imitant votre courage et votre énergie, nous nous sommes écriés: « Dieu le veut, la patrie l’exige ». C’est dans cette pensée que nous vivons désormais; nous prierons beaucoup pour vous afin que le Sacré-Coeur de Jésus, la Sainte Vierge et votre Saint patron vous protègent et vous gardent toujours bon et vertueux. Surtout, Jean, mettez-vous en garde contre les pièges de Satan qui vous seront tendus. En assistant à la Sainte Messe et en communiant le plus souvent possible et ainsi, fort de cet arme, vous pourrez, sans broncher, jusqu’au bout, accomplir votre devoir de chrétien et de Belge. Nous vous félicitons également d’avoir si vite appris à conduire une auto. Cela peut toujours vous être utile, seulement, soyez toujours bien prudent car ce sont de vilaines machines. Chrétien et Henry vous félicitent d’avoir si bien profité de leurs conseils et vous souhaitent bon courage. Mr Henry continue, comme par le passé, à venir jouer du billard et, le dimanche, madame l’accompagne et ils jouent aux cartes jusqu’à 9 heures.
Dimanche 13 juin, c’était la fête de Saint Antoine, Maman Facq, Tante et petit Jean étaient allés baiser les reliques du Saint à la sortie de l’église. Le petit Jean dit : « Maman, tu sais ce que j’ai demandé au Saint quand j’ai donné une baise. Eh bien ! J’ai demandé que Jean revienne bien vite ». Espérons, cher Jean, que la prière si naïve d’un enfant se réalise bientôt, et espérons que ce moment soit plus proche que nous ne pensons. Autre nouvelle, les Alboches avaient placardé qu’à partir du 1er juillet, aucune cocarde de pays en… (suite manquante)
Lundi 5 juillet 1915.
