15. « Service intensif » au camp d’Auvours

Lettre n° 6: Mes bien Chers Parents, Frères, Maman Facq, Tante, Chrétien, Petit-Jean, Amis etc. Veuillez avant tout me pardonner le grand retard que j’ai mis à vous écrire, mais nous disposons ici de si peu de temps, principalement depuis un mois, nous avons ce que l’on peut appeler « le service intensif ». C’est […]



Lettre n° 6:

Mes bien Chers Parents, Frères, Maman Facq, Tante, Chrétien, Petit-Jean, Amis etc.

Veuillez avant tout me pardonner le grand retard que j’ai mis à vous écrire, mais nous disposons ici de si peu de temps, principalement depuis un mois, nous avons ce que l’on peut appeler « le service intensif ». C’est avec un coeur débordant de joie que j’ai reçu votre petite lettre du 1er août. Je l’attendais avec beaucoup d’impatience, surtout qu’elle avait deux à trois jours de retard. Je vous vous assure que le sergent de semaine n’a pas eu besoin de crier mon nom; de loin, j’avais reconnu l’écriture de Chrétien sur l’enveloppe. J’ai été tout heureux d’apprendre que vous étiez toujours en parfaite santé et que le commerce marchait toujours. J’espère que dans la lettre que je recevrai sous peu, vous me parlerez des résultats que Géo. et Léon ont obtenus. Vous ne sauriez croire l’importance que j’y attache.

Quant à moi, comme vous pourrez en juger vous-même d’après la photo ci-jointe, je suis toujours « Un peu là » comme disent les (Parigots). Vous voyez d’ailleurs que Lucien et Frédéric sont dans les mêmes conditions physiques que moi. Depuis mon départ, il me semble que j’ai encore grandi et surtout grossi. Rendez-vous compte par là que les grandes fatigues n’ont pas raison de ma constitution. Toujours content, frais et dispo malgré le travail quelquefois bien dur.

Je vous donnerai une idée du travail que nous accomplissons en 8 jours, cela vous donnera une idée de ce que l’on appelle par service intensif. Lundi dernier (levé tout les jours à 4h30). À 6h00, nous étions déjà au champ de tir, cela dure jusqu’à 10h00. À propos de tir, j’ai un excellent fusil et l’homme n’est pas mauvais tireur jusqu’à 400 m (distance que nous n’avons pas encore dépassé). Je fais généralement 25 points sur 30 et mes balles sont toujours bien groupées l’une à côté de l’autre (Nous tirons toujours 5 coups = un chargeur).

Entrainement à la baïonnette au camp d'Auvours

Entrainement à la baïonnette au camp d’Auvours

À 10h30, nous avons eu théorie jusqu’à 11h45. Midi dîner, théorie jusqu’à 2h30. Nous sommes à la plaine à 3h00 où nous turbinons jusqu’à 5h30. École de peloton et de compagnie (entièrement équipé, fusil, cartouchières, pelle, baïonnette, sac et tout cela sous un soleil brûlant).

Nous rentrons vers 6h00, à 6h00 souper, à 8h30, appel du soir. Le mardi […] après l’appel, marche de nuit combinée avec manoeuvre de nuit, attaque, patrouille, etc. Sommes rentrés vers 11h00. Nous avions parcouru environ 15 km dans l’obscurité à travers bois et ce qui est très fatiguant. Mercredi, service de campagne, c’est-à-dire des manoeuvres, ce que l’on peut appeler la guerre sans tués et je vous assure que ce jour-là, nous en avons fait du chemin.

Préparation de l'armée belge au camp d'Auvours

Préparation de l’armée belge au camp d’Auvours

Jeudi matin, école de peloton et de compagnie etc, après nous avons creusé de belles tranchées. Vendredi, de nouveau service de campagne, comme le mercredi avec un autre objectif. Hier, samedi, levé à 4h00. À 5h30 en route pour la marche tactique. Tout le camp y prend part, il y a des éclaireurs, avant-garde, arrière-garde et la musique, nous avons encaissé ainsi hier matin environ 23 km. Et je fais tout cela sans aucune blessure ni échauffement aux pieds, cela est le principal pour le fantassin.

Volontaires belges au camp d'Auvours

Volontaires belges au camp d’Auvours

 

Eh! Bien Chers Parents, quoique plus fatiguant, nous préférons le service de campagne parce que c’est celui-là qui se rapproche le plus de la réalité. Et je vous assure que je travaille avec beaucoup de goût. Pour vous prouver que le service militaire ne nuit aucunement, je n’ai pas encore eu une seule fois mal de tête […].

 

Camp d’Auvours, le 29 août 1915.